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11 janvier 2013 5 11 /01 /janvier /2013 11:26

-Il est toujours là.

-Qui ça ?

-Ben, tu sais… Le Bruit

C’est par ces mots que Suzanne, 85 ans, m’accueille à mon retour de vacances (après m’avoir préalablement et joyeusement souhaité une bonne année).

Petit retour en arrière…

 

J’habite, avec quelques autres « jeunes », dans un logements-foyer, résidence pour personnes âgées autonomes. Et depuis quelques temps, nous avons « un bruit ».

L’année dernière, déjà, d’étranges petits coups retentissaient quasiment tous les soirs vers 20h30 et/ou 22h. Le rythme était plutôt rapide, et cela ne durait jamais très longtemps. « Quelqu’un qui fait de la sculpture » ou « quelqu’un qui plante une punaise avec un petit marteau », selon les descriptions. Plus étrange encore, toute la colonne 8 était victime de ce « bruit » (c’est lors d’une discussion réunissant les mamies des appartements 38, 48, 68, ma voisine du 98 et moi-même résidant au 88 que nous nous en étions rendu compte). Le mystère a alimenté nos bavardages pendant quelques temps, puis les coups ont finalement cessé du jour au lendemain. Nous n’avons jamais su de quoi il s’agissait.

 

Mais ce qui nous arrive à présent est différent.

Tout a commencé quelques semaines avant les vacances de Noël. A nouveau quelque chose qui tapait, mais plus lentement, aussi bien en soirée qu’au milieu de la nuit.

Rebelote : discussion, conseil de guerre, constats, comparaisons : « y’a un bruit qui m’a réveillé à 5h du matin – ah, vous l’entendez aussi ? – Toi aussi ? J’ai cru que j’étais folle ! – ça fait comment ce que vous avez entendu ? … ».

La colonne 8 est encore la première touchée, sauf que cette fois, certaines personnes des colonnes 7 et 9 entendent aussi les coups, bien que plus faiblement. « On croirait quelqu’un avec une jambe de bois qui se déplace avec difficulté ». Au départ, tout le monde croyait que c’était la faute de sa voisine du dessus. Bon. Les jours passent, le bruit reste, rien de nouveau, je pars en vacances.

 

Et nous voilà donc au temps présent : retour de vacances et discussion avec Suzanne :

-Il est toujours là.

-Qui ça ?

-Ben, tu sais… Le Bruit

(On lui met désormais des majuscules parce qu’il a pris une telle place dans la vie du foyer qu’on parle de lui comme d’une personne qui pourrait être physiquement présente)

Effectivement, il est toujours là. Mais il a changé…

Les coups qu’on n’entendait que la nuit retentissent maintenant en journée, et de plus en plus fréquemment. Et surtout, de plus en plus fort… Tout le monde y va de son hypothèse sur sa localisation (personnellement, j’opte pour la tuyauterie de la salle de bain). Il a au moins été établi que ça ne pouvait pas être quelqu’un qui tapait, cela ne se répercuterait pas ainsi dans trois colonnes ! Pourtant, quelques dames un peu têtues restent persuadées que c’est leur voisine du-dessus qui est à l’origine des coups. Alors pour la faire taire, elles tapent à leur tour sur le mur, le plafond ou encore les tuyaux de radiateurs. Ces gestes agacés se répercutant à leur tour dans la colonne, inutile de vous décrire le concert de « boum boum » et « gling gling » qui retentit certains soirs… sans jamais avoir l’effet escompté. Le Bruit ne se tait pas.

 

« Rien de bien méchant, tout ça, me dira-t-on finalement, juste un problème dans la tuyauterie ».

Ouais, c’est ce qu’on croyait aussi, au départ. Sauf que pour l’instant, personne n’a su le réparer, ce problème. Les techniciens sont pourtant allés jusqu’à monter sur le toit, à tout hasard. Et puis, ce serait faire abstraction des portes automatiques qui parfois ne s’ouvrent que pour laisser passer un courant d’air. Des deux fauteuils à l’accueil qui de temps en temps poussent des soupirs las. De Founotte-la-chatte, qui s’installe dans un des placards pour pleurer. La première fois, je croyais l’avoir enfermée par mégarde. Je me précipite, me sentant déjà coupable… pour constater que la porte est grande ouverte. Assise au milieu des fringues, Founotte m’observe un instant, surprise de mon arrivée un peu brusque, puis regarde autour d’elle et se remet à pousser des miaulements plaintifs. J’ai eu beau la questionner, impossible d’en tirer une explication concrète.

Avec tous ces éléments en main, les mamies ont eu tôt fait de tirer les conclusions qui s’imposaient :

Mme C. (qui réside au foyer depuis 1985) : Y’a sûrement un esprit.

Paulette (qui nous a fourni la description de la jambe de bois) : Oui, quelqu’un qui serait mort en réparant la tuyauterie.

Suzanne : Ou une résidente tombée dans la colonne. Et peut-être qu’un chat est mort dans ton placard et que Founotte sent encore sa présence.

(Visualisez bien cette discussion, qui se déroule dans le plus grand sérieux, autour d’une crème liégeois)

Moi : Y’a de quoi écrire une histoire !

Mme C. : Vous pourrez l’écrire ?

Moi : Seulement si vous me la dictez…

 

Cela fait au moins un mois que Le Bruit a élu domicile au foyer. Nous n’avons toujours pas pris le temps d’écrire son histoire. D’où vient-il ? Comment le déloger ? Il réussit à faire parler de lui sans que personne ne l’ait jamais vu, localisé ou identifié.

Je suis tentée d’appeler la cousine Raya à la rescousse (elle est actuellement en train de développer ses compétences en chamanisme et d’apprendre l’islandais, ça peut servir). Parce que mine de rien, l’ascenseur s’est bloqué ce week-end. Avec deux personnes dedans… Elles ont été libérées depuis, mais quand-même…

 

 

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La route hors du monde - partie 3 - Au bout du chemin

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