Pour ceux qui auraient manqué l'acte I, c'est ici. Une année s'est écoulée depuis, année durant laquelle j'ai continué de prendre des photos avec mon vieil appareil à l'écran toujours aussi sale. Pas de surprise côté paysage : c'est toujours exactement le même. Si j'avais habité sur la face ouest de l'immeuble, j'aurais pu faire une série sur l'avancée des travaux du tram'. Mais comme ce n'est pas le cas, il faudra se contenter de ces bons vieux levers de soleil.
Il y a les timides, ceux qui osent à peine pointer le bout de leurs rayons. La colline pour coulisse, ils tentent de gérer leur trac, jettent des regards inquiets derrière le rideau, jusqu'à ce que la nécessité de leur apparition les pousse subitement en avant-scène.
Il y a les impatients, ceux qui ne veulent pas attendre leur tour. Ils ne se préoccupent pas des répliques de la nuit, des nuages ou de la brume. Ils débarquent soudainement et coupent la parole. Il n'y a pas de mauvaise intention, juste un empressement mal contenu. Alors la nuit oublie son texte, la brume tente de le lui souffler, les nuages ne sont plus certains de leurs déplacements... Et le soleil fait éclater au grand jour cet embrouillamini de gris pas tout à fait gris et de rose embarrassé.
Il y a les perfectionnistes, ceux qui connaissent la musique, les pas, leur texte et celui des autres. Ils apparaissent pile au bon moment, celui où ils produiront le plus bel effet. La réplique, pourtant récitée depuis des années, est lancée avec autant d'emphase que s'il s'agissait de la première représentation.
Et puis il y en a toujours un ou deux, trop sûrs d'eux, prêts à n'importe quoi pour épater la galerie. Ils veulent bien faire, ils y mettent toute leur énergie. Mais, pas toujours maîtrisé, le jeu est parfois légèrement fouillis, un peu flou. Qu'importe ! La lumière éclate en un tourbillon qui ravit le spectateur.
Enfin, il y a les oubliés, les petits rôles qui paraissent sans importance mais sans qui la pièce perd de sa profondeur : la nuit, qui n'a que quelques répliques (mais que serait un lever de soleil s'il n'était précédé de la nuit ?), les étoiles, les lumières aux fenêtres des bâtiments, les flocons. Autant de figurants qui préparent silencieusement l'arrivée du premier rôle.
Et le public, aux premières loges...